le festin
Compagnie
Anne-Laure Liégeois
 
 

Des Châteaux qui brûlent

D'après le roman d'Arno Bertina


Mise en scène et scénographie Anne-Laure Liégeois

adaptation Anne-Laure Liégeois, Arno Bertina
avec Alvie Bitemo, Sandy Boizard, Olivier Dutilloy, Fabien Joubert, Anne Girouard, Mélisende Marchand, Marie-Christine Orry, Charles-Antoine Sanchez, Agnès Sourdillon, Assane Timbo, Olivier Werner, Laure Wolf
lumières Guillaume Tesson
création sonore François Leymarie
costumes Séverine Thiébault
images Grégory Hiétin
régie générale, son et vidéo François Tarot
régie lumière Marco Hollinger
régie plateau Alexandrine Rollin
administration et production Mathilde Priolet
 

Dates passées



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Production Le Festin – Compagnie Anne-Laure Liégeois

Coproductions Le Volcan Scène nationale Le Havre, La Comédie de Saint Etienne, Maison de la Culture d’Amiens, La Filature Scène nationale de Mulhouse, Le Théâtre de l’Union Centre dramatique national de Limoges, L’Equinoxe Scène nationale de Châteauroux, et Le Manège Scène nationale de Maubeuge
Avec l'aide à la création dramatique d'Artcena
Avec la participation artistique du Studio-ESCA
Construction décor Atelier de la Comédie de Saint-Etienne

Texte lauréat de l'aide à la création dramatique d'Artcena en 2022

Dossier du spectacle à télécharger ici

 
 

Des Châteaux qui brûlent est un roman. Une narration fictionnelle. Non l’usine de Chateaulin n’existe (presque !) pas. Et Christiane Le Cloach, Fatoumata Diarra, Pascal Montville, Céline Aberkane ne marchent pas sur la terre ! Pourtant, quand je les laisse un peu, il me semble, quand j’ouvre à nouveau le livre, que je leur ouvre la porte du bureau de la passerelle, celle juste à côté de la plante verte à droite du distributeur ! Tout est faux et tout est vrai, on dirait du théâtre ! Et si je ne parviens à les appeler que « personnes » (comme Marivaux dans La Dispute fait dire à Églé découvrant Azor « Qu’est-ce que cela, une personne comme moi...»), je devrais peut-être bien finir par les appeler « personnages ». Car ils ne sont pas d’une chair qui vit là quelque part dans le Finistère, ils sont des œuvres de l’esprit (ou bien s’ils sont de chair, ils sont d’une multitude de chairs et dans leur mélange, dans cette composition, entre la cendre du souvenir). Ils sont de Bertina ! Arno Bertina est un romancier qui écrit des romans. Pas un documentariste qui crée des documentaires. Ni Emmanuel Riche, le réalisateur de Strip tease qui donna à connaître la famille De Becker (citée sans doute à cause des majorettes qui ici nous rapprochent !), ni Jean Rouch, créateur de l’ethnofiction, chargé de recherche au Musée de l’Homme (« existe-t-il une plus belle définition du cinéaste ? » s’interroge J-L Godard)... quoi que... Donc. Arno Bertina met toute sa volonté à déplacer le réel, un réel vu autrement que par les faits, il crée une œuvre d’art, quelque chose de beau, une œuvre qui sonne juste, et qui intéresse particulièrement la langue. Céline Aberkane, conseillère du Ministre, Hamed M’Barek, Gérard Malescese, syndicaliste, Vanessa Perlotta de l’unité de conditionnement, n’ont pas des langues. Ils ont une langue, souvent très écrite, composée d’images qui incarnent l’action, l’espace, le temps. Ils ont la langue de Bertina. S’ils sont personnages, puisque créations génériques, ils ne sont pas pour autant personnages de théâtre. Comme pour « les êtres de la vraie vie », le personnage de théâtre parle depuis l’instant. Il parle là. Leur langue, à eux, est construite de telle sorte que la parole puisse se prendre sur plusieurs pages qui peuvent occuper plusieurs heures, plusieurs jours de lecture même, si l’on veut. Quel est le personnage de théâtre qui a tout ce temps pour se raconter ? (Et à fortiori - revenant sur nos pas de quelques lignes – quel est l’individu, interrogé dans une émission, dans un entretien pour un journal, dans les quelques secondes d’un reportage télévisé, qui a le temps de décrire le réel dans toute sa complexité ?). Ces personnages ont le temps de se construire car ils sont du roman et en cela ils sont à aucun autre semblable. Et même si bien des rapprochements peuvent s’opérer entre ce roman et le théâtre (notamment car deux de nos vieilles unités sont au garde à vous : unité de lieu, unité d’action, présentes ! et encore fin toute shakespearienne ou pages parfois pleines de ce lyrisme, qui exalte poétiquement les passions...), il n’en est pas moins certain que ces êtres-là, s’ils ne sont pas de chair, ne sont pas de vent non plus. Il faudra passant par leur langue commune dessiner leur être et la donner à voir dans l’espace du théâtre.

Si tout spectacle commence par un défi exalté aux mots, j’ai trouvé celui-là : représenter des êtres qui racontent une histoire, des êtres à langue qui a le temps, qui en cela ne sont ni personnes ni personnages. Les faire entendre particulièrement. Et faire une œuvre d’une œuvre !

Anne-Laure Liégeois