le festin
Compagnie
Anne-Laure Liégeois
 
 

Peer Gynt
d'après Henrik Ibsen
Mise en scène et Scénographie Anne-Laure Liégeois

Lumière Guillaume Tesson
Collaboration à la scénographie Aurélie Thomas
Costumes Séverine Thiébault
Assistante mise en scène Sanae Assif
avec Sanae Assif, Arthur Berthault, Rébecca Bolidum, Thierry Ducarme, Martial Durin, Olivier Dutilloy, Ulysse Dutilloy-Liégeois, Clémentine Duvernay, Juliette Fribourg, Marc Jeancourt, Sébastien Kheroufi, Michel Lemaître, Matteo Renouf, Chloé Thériot, Laure Wolf, Edwina Zajdermann
Photographies Christophe Raynaud de Lage
 

Dates passées



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Production Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher

Coproduction Le Festin – compagnie Anne-Laure Liégeois

Résidences Théâtre de la Cité internationale, Odéon - Théâtre de l'Europe, L’Azimut - Antony/Châtenay-Malabry

 
 

             Tout est histoire, conte, théâtre dans la vie du jeune Peer Gynt. Cet enfant du bout du village contemple ses pieds dans la boue mais lit au-dessus de sa tête, dans les nuages, qu'un jour il sera roi. Il part sur le grand chemin du monde, laissant dans la forêt où elle est venue le rejoindre pour échapper à la plaine, la jeune Solveig. Il prend la route du sud, à la recherche de l'éclat. La première quête de l'enfant pauvre sera l'argent. Il endossera de nombreuses destinées qu'il nommera "pelures", recherchant dans une quête sans fin, l'ultime "soi" appelé "lui-même". Après des années d'errance -de vie en quelque sorte-, il reviendra sur ses terres de Norvège. La mort frappera à la porte, il sera temps de faire le bilan, de constater que peut-être en face de la réalisation de soi, comme un négatif apparaît une vie construite égoïstement "pour soi". Et c'est dans un dernier et magnifique élan de vie, force qui n'abandonnera jamais Peer Gynt, qu'il trouvera la main de Solveig : elle aura, elle, au milieu de la nature, construit sa vie.

 

            Dans Peer Gynt il y a la Norvège dans toute la beauté de ses saisons, il y a le Maroc et son désert de sable, l'Egypte aussi, il y a le monde et ses terres brûlées, sèches, en désordre ; des champs d'oignons, des champs de neige, des mers démontées ; il y a des trolls des fonds de la terre, des cochons sur lesquels s'envoler, des chevaux blancs pour enlever les femmes, le Sphinx, un homme qui se prend pour une plume, un autre qui fait fondre dans sa cuiller universelle les humains, le diable, la mort et quelques monstres, des femmes et des hommes à aimer et à fuir ; il y a des naufrages, des ventes aux enchères, des bals et des festins. Il y a le ciel, des cieux qui tomberont des cintres, des mares d'eau comme des mers, des tas de sable comme des déserts, des brouillards de Norvège qui baigneront la scène et la salle de leur blancheur laiteuse. Autant de concret de la poésie du théâtre pour dire la magistrale oeuvre d'Ibsen. Il y a Peer Gynt que l'on rencontre à vingt ans et que l'on quitte cinquante plus tard : deux comédiens le fils puis le père pour le représenter. Temps et lieu éclatés, mais action une, celle de l'homme construisant une vie à la quête de soi, s'interrogeant, tentant sans cesse de trouver le "soi-même". Tentant de devenir quelqu'un. D'être. Depuis les premières histoires raconter pour s'inventer des vies, jusqu'à l'ultime conte à construire pour l'éternité.

 

            Au Théâtre du Peuple à Bussang, il y a un théâtre comme une grande cabane de bois au fond de la forêt, un théâtre comme un grand vaisseau prêt à recevoir tous les mots et les rêves qu'ils dessinent. Il y a un chêne centenaire dont on attend l'apparition comme un grand personnage, il y a une bande de comédiens, professionnels et amateurs, prêts à vivre ensemble exceptionnellement l'aventure du théâtre. C'est cet espace de théâtre somptueux, riche de toutes les histoires passées qui sera l'écrin de Peer Gynt. Vide, dépouillé, pour recevoir tous les artifices des théâtres de Peer Gynt : la féérie et la farce, la tragédie et la comédie, le théâtre du symbole et celui de la philosophie.

 

            Dans ma tête, il y a un petit panthéon des textes qui doivent être pour que s'accomplisse une vie de théâtre. Peer Gynt y est entré tard. C'est Olivier Kemeid qui, alors que je lui parlais de la proposition heureuse de travailler à Bussang, me rappelait l'oeuvre d'Ibsen. Je savais que c'était un monstre et que Patrice Chéreau (encore lui, toujours lui) en avait fait un spectacle qui faisait date. Dès la première lecture, il y a eu choc. Peer Gynt pouvait entrer dans mon panthéon intime : il rejoignait Don Juan sur la route vers sa mort, croisant sur son chemin tous ceux qu'il retrouvait à son dernier carrefour, ensemble pour le condamner; Médée, éternelle vagabonde, choisissant l'envol comme dernier chemin vers l'exil ; Macbeth qui un jour serait roi et dont l'unique voie est celle du pouvoir ; Don Quichotte, qui sur les routes donne chair aux contes qui le hantent et -comme Peer Gynt- se tape un jour la tête contre un rocher -mais lui de ce choc, il ne reviendra pas-. Peer Gynt c'est un peu tous ceux-là. Avec lui c'est repartir sur la grande route ("On the road", je disais lors d'Embouteillage), avec ce récitant magnifique, grand acteur de ses propres aventures, en route vers sa fin le rire dans la bouche.

 

 février 2021- Anne-Laure Liégeois

Le parcours des comédiens