le festin
Compagnie
Anne-Laure Liégeois
 
 



Macbeth
de William Shakespeare
mise en scène Anne-Laure Liégeois

assistée de Marie-Charlotte Biais
avec Olivier Dutilloy, Anne Girouard, Pauline Belle, Sébastien Bravard, Elsa Canovas, Alessandro de Pascale, Philippe Houriet, Pauline Masse, Noé mercier, Sarah Pasquier, jean-François Pellez, Jérémy Petit, Loïc Renard, Alexandre Ruby, Charles-Antoine Sanchez, Willie Schwartz
lumières Dominique Borrini
scénographie Alice Duchange, Anne-Laure Liégeois
réalisation sonore François Leymarie
costumes Elisa Ingrassia, Anne-Laure Liégeois
 

Dates passées



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Création le 9 janvier 2014 au Volcan - Scène Nationale du Havre

Production : Le Festin - compagnie ; coproduction : Le Volcan – Scène Nationale du Havre, Le Fracas – CDN de Montluçon – région Auvergne, Théâtre de l’Union – CDN de Limoges, Maison de la Culture d’Amiens, Le manège.mons, Le Cratère – Scène Nationale d’Alès, Théâtre 71 - Scène Nationale de Malakoff ; construction des décors : Ateliers du Grand T - Théâtre de Loire-Atlantique ; avec la participation artistique du Jeune Théâtre National, du Centre des Arts scéniques, de l’ENSATT et du fonds d’insertion PSPBB-ESAD.

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La main droite agrippée au niveau de la tempe à une poignée de cheveux, la main gauche aux ongles plantés dans le haut du crâne ; les yeux écarquillés sur un présent terrifiant et le regard tendu vers un avenir non moins effrayant. Le tableau de Courbet, un autoportrait en Désespéré. Macbeth est ce désespéré qui rêve les yeux ouverts dans ses nuits sans sommeil. Tout se crée, se forme dans cette tête. L'imagination y est maîtresse, le désir compulsif y est maître.

On a souvent dit que Macbeth était un cauchemar. Partir de ce mot. Le cauchemar appartient au plus intime. À soi perdu dans la nuit, avec l’esprit pour seul guide. Macbeth se joue dans le crâne de Macbeth. Tout dans la tête. C’est seulement dans la tête que siègent les cauchemars. Pas dans la vie. Si Macbeth est un cauchemar c’est parce qu’il est une œuvre de l’esprit, appartient au monde du rêve. Une œuvre des recoins, des couloirs du cerveau. Le cauchemar intime, privé, d’un homme qui croit que le pouvoir est là, à portée de sa main. D’un homme dévoré par le désir, épuisé par ses passions. Macbeth se bat dans le vide contre ses démons. Désir qui tue le sommeil et plonge dans une insomnie faite de sombres fantasmes. Macbeth a tué son sommeil et erre dans l’entre deux, celui du chien et du loup, du songe éveillé. Un entre deux peuplé de cauchemars à l’apparence d’animaux, porc, rat, corbeaux, salamandre... de fantômes, d’objets volants, d’arbres qui marchent, de milliers d’enfants, d’esprits et de phantasmes de jeunes filles ou de jeunes gens... Tous des êtres immatériels, petits processus mentaux, qui volètent dans la tête dérangée. Macbeth confond les apparences avec la réalité, voilà l’illusion. Voilà le théâtre. Ce qu’il perçoit n’est que la projection de ses désirs exacerbés. De cet aveuglement, de ces déformations, Shakespeare joue. Voilà la tragédie. Tragédie de Macbeth. Macbeth personnage tragique qui avec le théâtre touche à l'immortalité que lui refusait son histoire d'homme.

Dans la boîte crânienne de Macbeth, imprimée sur chaque paroi : l’image de la femme comme double de soi. Lady Macbeth qui même morte restera là, accrochée à la chair, aux entrailles de l’homme. Quand aux derniers moments de cette existence pitoyable son esprit malade inventera des forêts qui marchent et des hommes nés de ventre ouvert et non de sexe de femme, il la portera encore en lui, sur lui. Lady Macbeth se croit homme quand elle le dit femme. Femme quand elle le croit homme. Elle interprète la féminité virile, croit que l’essence de l’homme consiste dans le désir brutal, la force déchaînée. Elle l'excite à la virilité et bannit son propre sexe. Pour tromper son ennui de femme parquée dans la sphère domestique, elle le conduit par la main, comme la mère conduit l'enfant, vers les plus hautes fonctions, réalisant à travers lui son rêve contrarié de surmâle. Quand Macbeth l'exclut du pouvoir, de la prise en charge du cours de l'histoire - pour la protéger, pour lui faire des cadeaux, comme doivent en recevoir les "sages épouses", pour être enfin ce qu'elle lui impose d'être : un homme - elle sombre doucement vers l'abandon de soi, de son sexe, sombre dans la folie. Mais auparavant Macbeth aura capitulé devant son hystérie violente. Lady Macbeth déplace tous les repères sexuels. Les siens, les nôtres. Veut renoncer à toutes les vertus de sa féminité : elle appelle à être absolument sans son sexe. Elle joue avec toutes les vertus de sa féminité et n'est plus qu'un sexe qui appelle l'autre sexe. « Nightmare », le cauchemar anglais, se traduit par « jument dela nuit ». Lady Macbeth est le Nightmare de Macbeth, cette cavale emportée qui le pousse à tous les crimes, cette monture fonçant à travers la nuit comme le cheval de Mazeppa. Elle est rêve, cauchemar de Macbeth, son désir et son dégoût.

Olivier Dutilloy et Anne Girouard sont un couple de combattants ! C'est pour eux aussi que se crée Macbeth. Ils se sont battus dans l’Augmentation de Pérec pour obtenir une augmentation, ils se battront maintenant pour obtenir le pouvoir !Ne pas résister au plaisir de rire par empathie de nos travers. Ce couple aura aussi le risible d’un couple où l’un des deux manipule l’autre en vue d’assouvir des désirs propres, où l’un est piégé, puis piège l’autre. Dans ce nœud, comme on peut parler de nœud de vipères pour ce couple enchevêtré, résidera la bouée qui saura dire que l’enfer, le cauchemar, c’est aussi le couple.

Un couple. Un couple sans enfant. La haine que Macbeth voue bientôt à Banquo trouve sa source dans l'envie que provoque la présence de l'enfant à côté du père. C'est lui qui sera roi. Lui, Macbeth n'aura pas de descendance, personne à qui céder un trône ainsi devenu vain. Mais l'univers de Macbeth est saturé d'enfants. Fléance , Malcom, Donalbain, le fils trop intelligent de Macduff, Siward, les enfants à tête casquée, ensanglantée, tenant dans la main un arbre, les enfants morts dont on met les doigts dans le bouillon des sorcières. Chez ce couple sans enfant, vieillissant, naît la peur, la répulsion de cette jeunesse qui pousse pour prendre la place. Entourant le couple de comédiens de quarante ans, une infinité de jeunes comédiens, peut-être même encore des enfants, bouillonnants, trépignants, prêts à tous les combats. Dans le cauchemar de l’homme épris de puissance, du couple sec : la jeunesse qui attaque.

Anne-Laure Liégeois, octobre 2013